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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 17:36

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« Non, les hommes singuliers, hypersensibles, maniaques, visionnaires, constructeurs de mythes étranges, qu’on appelle chez nous les fous ne sont pas des aliénés ; ils ne sont pas étrangers à nous… »

Jean DUBUFFET

 

Depuis quelques jours, j’ai un gros bout de barback coincé dans le fond de la gorge ; ma gorge abimée par ce vent emplie de poussières et qui vous oblige à rabattre les paupières à chaque regard levé au ciel. J’ai beau tousser, tenter de me faire vomir…rien… Ce morceau difforme m’obstrue complètement la trachée. Alors plutôt que de tenter de le faire sortir comme je l’ai toujours fait, je préfère expier ici, avec ces quelques mots, l’histoire de son arrivée…


Jongler entre les rencontres et les opportunités, voilà bien ce que sont mes cinq premiers mois sur le sol béninois. Et une fois de plus ce samedi soir, je me laisse entraîner dans la découverte d’un petit maquis dans le quartier de Jonquet. Une belle assiette de salade-poulet-frite-aloko  et deux béninoise (bière locale) plus tard, la soirée s’offre à nous… Du coin de cette terrasse, nous assistons à un premier accident… Un motard percute une dame sur le bord de la voie, rien de méchant en apparence, mais chaque évènement, si petit soit-il, provoque systématiquement un rassemblement de population important. Très vite une cinquantaine de personnes se réunissent autour de la scène de l’accident, ils seront dispersés quelques minutes plus tard par deux pick-up de la police urbaine… Jonquet n’est pas vraiment le quartier fréquentable de Cotonou. Néanmoins, accompagné, les grands axes dessinés par des boulevards pavés très larges de Jonquet sont agréables… Et entre une bagarre de rue et un nouvel accident de moto, nous prenons la direction de Cadjehoun, pour définir notre programme nocturne…


Le choix est rapidement établi, ma première soirée en boîte s’annonce. La moiteur de la pollution ambiante ville est retombée pour laisser place à un vent frais qui dépose quelques taches d’humidité sur mes Ray-Ban (made in USA). Nous longeons le port dans une artère vide de Cotonou, il n’est pas vraiment tôt en fait. On a pris du retard, entre notre repas à Jonquet, un ou deux verres à Cadjehoun, et un passage éclair sur le Dance-floor du Coco-cocktail, il est déjà dimanche matin… Nous arrivons devant cette boîte au nom tellement bling-bling… « New-York », une allée d’une dizaine de mètres s’offre à moi pour franchir le palier d’une porte qui mène à ce, ci mélodieux, Boum-boum-boum caractéristique de l’éclectisme musical des « boîtes »… Je croise dans cette allée un banc complet de filles déguisées en poupée Barbie avec quelques accessoires en plus… Chacune représente un combo pinupesque composé de rouge à lèvres brillant ressemblant plus à de la gelée qu’à du maquillant, de cheveux plaqués imitation Rihanna ou Lady Gaga, boucles d’oreilles à la limite du cerceau de GRS, des vêtements qui rassemblés ne dépassent pas le demi-mètre carré de surface couverte… Bref des pépites de gourgandisme et de bling-bling…  Je subis 3 agressions manuelles sur mon postérieur pourtant sobre et peu provocant. Bon… Surpris, mais confiant, je rentre dans cette boîte. Les spécimens croisés à l’extérieur n’étaient qu’une faible représentation de tout le potentiel poulpesque et carnavalesque de l’intérieur… Ici les filles ne font pas que marcher, elles dansent, ou plutôt elles se déambulent telles des gogos danseuses jouant dans un clip de hip-hop américain. Chose intéressante c’est ce grand miroir qui fait fasse à la piste… Les filles en majorité absolue dans ce lieu chatoyant à souhait dansent ; narcissiques et belles comme des camions poubelles rentrant de leur tournée ; en se trémoussant et s’admirant… 


Ah j’oubliais, je suis là moi aussi, et je suis blanc… Il est vrai que je ne comprenais pas pourquoi autant de filles (pour une fois) me regardent et viennent même danser avec moi… Je continue mes imitations de macarena et de charleston…

Puis première agression :

« 

Tu es accompagné ?

Euh…

Oui tu es avec quelqu’un ce soir ?

Bah oui, avec mes potes…

Hum, mais tu me plais… Tu veux aller quelque part ?

[Faisant mine d’interpréter cette charge directe par cette jeune fille comme un gros benêt, je souris bêtement, sans baver non plus …]

Mais tu as de quoi m’offrir un verre [relance-t-elle]

Jamais… Alouplooooo… Tu n’auras rien ! A 5000 fcfa le verre… Non mais… Peut-être un verre d’eau ? 

»


Tel un bunker sur la côte normande qui subit l’assaut des américains, les murs résonnent, les obus tombent, et les charges se font incessantes… Pas une de ces filles ne cherchent autre chose qu’un verre ou une nuit avec un yovo pour arrondir ses fins de mois… Une triste réalité, que je renierais platement lors de cette première sortie, mais qui me reviendra en pleine gueule deux semaines plus tard…


Même boîte, ambiance inchangée, je tombe sous le charme ravageur d’une serveuse au sourire formidablement commercial. Je décide alors spontanément d’échanger quelques mots avec la demoiselle tout en savourant une eau pétillante… Je crois que la basse balancé doucement du grave, et que les spots lumineux ondulés entre un vert émeraude et un rose flash… Je n’ai pas eu le temps de me rendre compte de tous ces signes avant-gardistes: le patron blanc aux allures de mafioso qui vient me saluer spontanément, pas une seule femme blanche dans la boîte, quelques européens avec des dents dégueulasses qui s’arrosent au whisky entouré d’un harem de femmes quémandant un verre, un vieux qui mate vulgairement les quelques filles autour de lui sans jamais les regarder dans les yeux…

La scène va vite, la charmante serveuse est appelée à l’autre bout du bar par un de ces loubards, en mode David Vendetta colon. Il l’appelle, lui crie même dessus… Quand elle est à quelques centimètres de lui, il lui attrape les cheveux pour rapprocher son visage prêt de sa bouche, et lèche son visage juste après s’être rincé d’une lampée de whisky… La fille ne dit rien, elle ne sourit plus, son regard croise le mien, je baisse les yeux.

 

Pourquoi ? C’est quoi ce truc là que je viens de voir? Sont-elles toutes sous la coupe d’un mac ? Non je rêve… Suis-je simplement en train de découvrir cette dure réalité qu’est la loi de l’argent… Tu as l’argent et tu es blanc, tu auras les femmes et tous les droits.

Ces mêmes gars qui viennent te voir après et qui te disent « Nan mais tu vois ici c’est trop chiant de sortir… Toutes les femmes viennent te voir… Ce n’est pas gérable… », Une réponse sèche et cinglante sort de ma bouche « C’est sur qu’avec ta gueule tu ne dois pas voir ça souvent… » !


Un esprit révolutionnaire met apparu… Je vais œuvrer contre cet échec social que beaucoup de blanc viennent entretenir ici…  Oui je suis fâché contre notre système qui est en train de détruire des cultures entières basées encore il y a quelques années sur la spontanéité, l’accueil et l’ouverture, mais qui deviennent aujourd’hui basées sur trois piliers : l’intérêt, l’argent et la reconnaissance.

La pagaille est en marche !

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commentaires

M
<br /> "Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement." F. Blanche.<br /> On pense à toi. Quand il est nécessaire de changer, il est nécessaire de ne pas changer. Ne change rien. :)<br /> Bisous et merci de partager tes aventures :)<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Me voila encore cueilli à froid par ton récit.Je me suis retrouvé à respirer l'air béninois l'espace de quelques minutes dans la torpeur du milieu de journée.Alors merci.<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Merci de ton indulgence pour les fautes...<br /> <br /> "Ça change pas le monde, mais ça y participe énormément" (F.Beigbeder)<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Quelques fautes d’orthographe un peu grossières qui traduisent de manière plutôt significative ton agacement au moment d'écrire ces lignes mon guillaume...<br /> <br /> Tu sauveras pas le monde mais c'est déjà beau de pas le faire empirer.<br /> <br /> bises<br /> <br /> <br />
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