Si voyager n’est pas un vain mot, l’admettre dans son esprit l’est tout autre. Se réveiller un matin le corps perlés de sueur, les mains moites et la respiration suffocante avec cette étrange sensation d’être juste…perdu. Dans l’immensité d’une nature. Une nature que l’on contemple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles qui bercent votre être à tout jamais.
Mes pieds m’ont transporté pendant toute une semaine dans une traversée d’un monde inconnu, et pourtant si proche (géographiquement) de moi.
Samedi dix-huit décembre deux mille dix, il est sept heures, la température ambiante est moins agressive qu’à l’accoutumé, mais la sonnerie de mon réveil toujours autant. Mon lit transpire encore une nuit tiède béninoise, une de plus… J’ai réussi à poser mon premier pied sur le carrelage chaud de ma chambre beige. Inutile de parler de ma coiffure (que je croise dans le miroir), que j’évite, depuis quelques mois, d’entretenir pour des raisons qui dépassent votre entendement et surtout le mien, mais qui m’apparait tellement plus glamour après cette douche froide. Quelques mèches se détachent pour commencer à former naturellement des tortillons de cheveux qui aspirent à devenir, un jour, des petites dreadlocks naturelles. Un brossage de dent, un peu de crème revitalisante 3 en 1 (faut bien rester soi-même malgré tout), un roulement de tambour avec quatre cotons tiges, un hérissement de poils réveillés par ce déodorant ice-fresh Rexonana for Men Quinenveuledubienaleurpot, un caleçon propre, un jean « presque » propre, chausset….pardon…sockets à rayures orange et blanche, un tunnel à travers les mailles d’un tee-shirt blanc à manches longues, et hop… I’m ready ! Il est sept heures vingt-trois minutes…
J’ai soigneusement préparé la veille au soir tout mon attirail de touristo-photo-cameraman. Les batteries de ces deux merveilles de technologie sont à bloc et prêtent à subir quelques jours de folie dans mes mains tremblantes à l’idée de commencer ce week-end en se disant que lundi se sera toujours les vacances, et cela jusqu’au lundi suivant. Une semaine chargée s’annonce; en date déjà, avec mon anniversaire et noël (c’est déjà pas mal); en programme aussi, une matinée au marché de Porto-Novo avec un cirque, 3 jours en retraite au bord du lac Aheme avec Jean-Lou, un anniversaire à caler, un réveillon à programmer et un nouvel an à anticiper ; une semaine chargée en vie tout simplement. Sourire aux lèvres, sac sur les épaules, je prends le soin de mettre quelques pièces dans ma poche pour payer le zem qui m’amènera au point de ralliement de la troupe de cirque. Sans oublier de saluer les quelques commerçant de ma von, qui me reconnaissent sûrement par ma couleur de peau très mate, je monte sur la moto et traverse Cotonou pour me rendre au cœur du marché Dantokpa, où rapidement les jeunes du cirque arrivent pour finalement se diriger vers la « gare routière » du coin…
Quelques camions respirent avec dureté leurs âges dépassés, sûrement accablés par la foule considérable qui monte à chaque fois sur ses essieux fatigués. J’arrive finalement à me glisser dans le minibus, où quatre banquettes ont été bricolées pour rentabiliser au mieux chaque voyage. Mes genoux subissent terriblement face à cette barre en fer, mais en posant le pied sur le sol de Porto-Novo, la capitale du Bénin, je me rends compte qu’il fonctionne encore relativement bien. Entre chamailleries, percussions et jonglages, nous atteignons le foyer d’accueil des frères Don Bosco, où de jeunes enfants issus du marché de Porto-Novo ont été accueilli, et on pu suivre avec les jeunes du cirque Tokpa, eux-mêmes issus du marché Tokpa, une formation d’acrobatie et de cirque. Aujourd’hui, un grand cortège va traverser tout le marché, animé par ses deux troupes, tout en manifestant à l’égard du droit de l’enfant… Pendant deux heures, les jeunes échangent, rient, sautent, jonglent, jouent, manifestent, communiquent, communient, apprennent, s’apprennent,… Le cortège rassemblera peut-être plus de 200 personnes…
Mes mots ne raconteront jamais tout ce que mes yeux ont vu pendant cette matinée. La rencontre presque accablante de ma culture face à cette richesse me rappelle combien le sourire d’un enfant vaut tout l’argent du monde. Et que cette misère reniée par l’occident, n’empêche pas aujourd’hui les jeunes des marchés de se lever, et de marcher contre les mouvances contemporaines négatives. Le ventre vide, mais le cœur gros, nous avons rejoins Cotonou à treize heures. La sieste durera longtemps.
Balancer par le vent marin qui s’engouffre sur ma terrasse, mon hamac m’emmène quelques minutes au royaume d’Orphée, mais rattraper par un soleil ennemi qui frappe ma peau blanche sans scrupule. Je me contraints alors à rentrer siester à l’ombre, au creux d’un lit sec… Mes yeux se ferment sur le rythme des hélices du ventilateur qui tendent à rendre plus agréable ce début de sieste. Elle se transformera rapidement en méga sieste, puis en sommeil, pour devenir un gros sommeil et finira par fusionner avec les aiguilles de l’horloge pour former une nuit.
Dimanche dix-neuf décembre deux mille dix, il est huit heures du matin, je suis déjà prêt. Le sac est plus lourd qu’hier, il faut convenir que l’escapade d’hier n’est rien à côté des jours qui arrivent (bien que les deux soient complètement différentes) ! Bien qu’étant prêt, j’appréhende, non pas d’avoir fait correctement mes bagages, mais surtout de mon coéquipier d’aventure… Il est béninois… Pagailleur professionnel, comédien-chanteur réservé, percussionniste animé, négociateur gentilé, star malgré lui et…béninois… Quand on calle un rendez-vous avec un béninois, il faut se dire que la grande aiguille de votre montre ne compte plus. Un béninois qui arrive à 20h59 à un rendez-vous donné à 20h00, vous dira qu’il est toujours 20h… Il est presque huit heure trente, et je me mets en route pour récupérer le bonhomme…
ANNONCE SNCF : « Tintintinlin… Le déplacement à destination du lac Aheme initialement prévu à neuf heures en gare de Cotonou-Fidjrossé, accusera (finalement) un retard de 3h00 environ… Merci de votre compréhension… »
Après une petite heure de taxi, nous arrivons à Ouidah, où deux zems nous embarquent sur une piste de sable rouge-ocre tracée au milieu d’une brousse épaisse où pullule gémissement d’animaux et plantes tropicales. Pendant plus d’une demi-heure, les yeux grands ouverts et la bouche fermée (à cause du sable) la moto me martèle le coccyx et le chauffeur joue à faire les plus longs dérapages contrôlés avec son compaire. Au bord de l’orgasme de douleur qui me titille le bas du dos, nous arrivons finalement au bord d’un champ de maïs, avec un petit panneau qui indique « c’est par ici »… Bon… Eh bien allons-y… Il est douze heures quarante-trois minutes et des brouettes, et j’ai éteint mon téléphone… Plus de repères à présent…
Un étroit chemin au milieu des plantations sèches s’ouvre devant nous. En arrière-plan, le lac Aheme s’étend, on peut voir sur sa surface le ballet de plusieurs pirogues avec à leur bord des pêcheurs et si on étend le regard l’autre rive s’offre à nous, avec Possotomé, des villages lacustres… Guidés par un son mélodieux de reggae chaleureusement roots, nous arrivons au bord d’un petit village calme, très calme. Des enfants jouent dans l’arbre voisin, une première paillote abrite un mini-bar, une ou deux tables et un tapis de sable blanc a pris domicile sur le sol de celle-ci… Très vite, nous sommes rejoins par le maître des lieux, Eric… Il a construit de ses mains ce petit site de paradis, à l’attention des voyageurs en quête de repos. Un petit site avec 5 cases, un bar, une terrasse, et une vue imprenable sur le lac Aheme. Très vite Eric me rappelle combien l’accueil n’est pas un vain mot au Bénin… Entre cette ouverture d’esprit et cette envie de donner sourire et entrain à son Zion’o’lac, l’air que l’on respire diffère intégralement de la dureté de la pollution citadine de Cotonou.
Nous avions choisi avec Jean-Lou de partir pêcher, donc après notre premier repas, nous nous munissons de deux cannes à pêche et, accompagné de Firmin un villageois d’une quinzaine d’année du village voisin, nous nous dirigeons vers le village en contrebas du Zion’o’lac. Très vite une foule d’enfants nous entoure, Jean-louis, lui-même enfant du lac, parle la langue locale, le Peda. L’échange est facile, les enfants sourient, nous aussi…
Quelques photos et instants plus tard Firmin revient avec l’appât de poisson, un mélange de farine de Gari et d’huile de Palme, et une location de pirogue… Nous montons alors tous les trois à bord, sous les pleurs d’un petit, qui prie d’affection de Jean-Louis ne supporte pas le fait de ne pas être du voyage, de déception et de désespoir, il jette à l’eau le chapeau que Jean-Louis lui a prêté quelques instants… Nous voguons… Une chanson de GG Vickey, en guise d’hymne pour l’après-midi : « Qu’il est gai de voguer sur la lac Aheme… Quand le temps est serein, je fredonne ce refrain… ». Malgré notre enthousiasme, les poissons se trouvent beaucoup moins chaleureux et agréable que les enfants croisés quelques instants plus tôt… Ils festoieront même tout l’après-midi avec nos appâts sans prendre la peine de venir embrasser l’hameçon que nous leur proposerons… Quel manque de savoir-vivre… C’est donc bredouille, que nous rentrons au village. Où les enfants nous attendent… Le petit vient rapidement embrasser Jean-Louis pour s’excuser de son mauvais geste, et ramène le chapeau séché par sa grand-mère. Quelques rires plus tard nous rentrons au Zion’o’lac, pour savourer un coucher de soleil sur le lac Aheme à en faire pâlir certaines cartes postales ! Un poisson braisé, quelques sodabi arrangés et un monde refait, plus tard, je rejoins ma case. La nuit sera chaude, mais bonne… Au réveil le café est chaud, le pain frais et la confiture de mangue savoureuse… Quelques enfants sont là, Jean-Louis a été reconnu la veille au village. Il est en effet leader d’un groupe de comédiens « les supers zouaves » et a quelques tubes à son actif… Les enfants chantent ses chansons, lui ne sait plus où se mettre et reste lui-même, humble et discret ! Avec cette hausse de popularité soudaine, les enfants se battent presque lorsque nous leur demandons de traverser le lac en pirogue pour rejoindre un petit restaurant lacustre sur l’autre rive du lac, c’est finalement Pierre qui remportera le final fight et qui nous transportera de l’autre côté.Nous n’emmenons pas nos cannes à pêche non plus, frustrés de notre échec précédent. La traversée est calme, le vent doux et les vagues sans creux, cependant après un repas au-dessus de l’eau, le retour sera beaucoup plus agité… L’harmattan, un vent venu du nord, déjà présent depuis début Décembre dans tout le Bénin, se réveille et va nous chahuter sur toute la traversée retour… Nous rejoindre finalement sans encombre le Zion’o’lac. L’après-midi passe vite, entre jeux traditionnels, percussions corporelles et échanges en Peda.
Mais il est d’ailleurs Lundi, donc demain c’est… Mais oui… C’est ça, c’est la veille du jour J… Il faudrait tendre à t’agacer un peu grand, demain c’est ton anniversaire, tu vas avoir 24 ans… Je rallume donc mon téléphone… Un sms collégial pour faire passer l’info aux gens… Une petite fête se programme un peu quand même !!! La nuit passera doucement et le réveil sera troublant cette fois. Je me suis levé le jour de mon anniversaire loin de ma famille pour la première fois… C’est d’autant plus particulier quand on est né au mois de Décembre et donc qu’on est toujours en famille en période de fête ! Bon, enjoy, la vie est belle quand même !
Après une escale dans le village maternel de Jean-Louis et une bière dans un maquis de Ouidah avec Eric, nous reprenons le taxi en direction de Cotonou… Le lac Aheme s’éloigne, et le bruit et la population se rapproche un peu trop violemment d’ailleurs.
Mardi vingt et un décembre deux mille dix, il est quatorze heures trente, je viens de poser mes affaires dans le salon. Sur la terrasse deux plantes m’attendaient en cadeaux, sûrement un coup d’une jolie petite demoiselle flamande qui s’est procuré les clés de mon appartement… Mon cerveau me dit qu’il faut par contre impérativement suivre un programme bien spécifique douche-hamac-sieste… J’exécute sans rechigner !
Vingt et un décembre deux mille dix, il est seize heures bien tassé. Et… J’ai peut-être un anniversaire à préparer moi ! Bon on va faire le joker « appel à un ami »… Jean-loulou !!! Le sirop de bissap, le jus d’ananas, les dokos (beignets de riz) sont rapidement commandés. Le cousin de Jean-Lou tenant un bar à environ 76 m de chez moi, on pose le camp là-bas pour la soirée… Quelques heures plus tard un buffet est prêt, la musique est bonne, le vent est frais et les gens heureux… Quoi rêver de plus… Un bien bel anniversaire.
Mercredi vingt-deux décembre, il est sept heures trente, j’ai mal au crâne, je prends un doliprane et me recouche…
Vendredi vingt-quatre décembre, il est tôt, mais c’est noël quand même… Ce soir c’est repas à la maison avec Jean-lou, Moi, Clothilde, Guillaume, Victor, Bertille et Katelijne… Les préparatifs vont être longs. Armé de quelques pièces et Jean-Lou, les courses aux marchés de Gbegamé commencent… Choisir un produit n’est pas si facile que ça, un champ d’étalages aux mille et une couleurs s’étend devant nous. Chaque vendeuse veut non seulement nous vendre ses produits, mais aussi marier le yovo et avoir un autographe de l’artiste… Une heure et demi plus tard les courses sont faites aux menus :
Apéritif : Amuse-la-bouche dans des petits verrines de bambous [lard-carotte, pâtes-confiture de figue, mélange tomate-ail-oignon-fromage sur quelques croutons de pains] & croque-en-bouche de saumon à la sauce crème.
Entrée (préparée par Clothilde et Guillaume) : Pamplemousse, avocat et crudités
Plat (préparé par moi-même et Jean-Lou) : Tartiflette accompagnée d’une sauce poisson, un petit mélange France-Côte d’Ivoire, détonnant, mais un brin bourratif…
Dessert : Milk-shake crème brûlée ou framboise
Boisson : Rhum coco, bière, Irish Coffee, Sodabi…et moultes dangerosités alcoolisées…
La soirée sera bonne et le noël joyeux… Mais déconcertant… Passer Noël en terrasse par 30° de température ambiante à écouter du zouk et du reggae, c’est dépaysant… Après un week-end, de fêtes et de bonheur, le lundi c’est la reprise, mais au bout du tunnel de cette fameuse reprise…2011, et ses encouragements de la saint sylvestre… Une escapade fabuleuse au cœur d’une famille béninoise à Porto-Novo, une nuit à danser sur les rythmes traditionnels béninois, et une première virée en boîte de nuit à Cotonou le lendemain parachèveront ces deux semaines de folie…
Même si c’est pas à côté pour passer un week-end, le Bénin c’est quand même bien funky !!!